Rentrée en musique : Que se passe-t-il dans la tête de Jean Michel Blanquer ?

samedi 1er juillet 2017
par  sudeducationalsace
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Le 21 juin dernier, jour de la fête de la Musique, notre nouveau ministre de l’Education nationale, Jean Michel Blanquer a sorti de son chapeau une nouvelle idée formidable pour la réussite des élèves : la rentrée en musique ! Il ne s’agit ni plus ni moins que d’accueillir les nouveaux élèves des écoles, collèges et lycées par un concert de la chorale ou de l’orchestre de l’établissement !

Nouvelle lubie d’un ministre enthousiaste de pouvoir enfin, après de longues années de carrières, modeler l’école à sa façon, ou nouvelle idée géniale pour faire de l’école un lieu de plaisir et de partage ?

Ce nouveau « rituel » se rajoute à un autre, décidé il y a un an et demi par notre ancien président, François Hollande, celui de la cérémonie républicaine de remise du diplôme du brevet.

Faudrait-il réenchanter l’école ?

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Capture d’écran du site du ministère le 21 juin 2017

Passons sur l’impression que pourrait produire sur des élèves de CP ou de sixième, déjà impressionnés, voir effrayés, de découvrir un nouveau cadre scolaire remplis d’enfants plus grands et d’adultes inconnus (pas sûr que leur entrée en fanfare les mette à l’aise), mais pourquoi cette manie cérémoniale ? Le brevet est si dévalorisé qu’il a bien fallu trouver un gadget « républicain » pour lui accorder un peu d’importance au yeux des élèves… au lieu d’en faire en diplôme plus ambitieux. L’enseignement délivré dans nos écoles, collèges et lycées est-il lui aussi si dévalorisé qu’il faille sacraliser l’entrée dans ces « temples » du savoir et de la culture ?

Pourquoi ne pas réfléchir à refonder une école qui puisse être exigeante pour tous et toutes, en laissant le temps à chacun et chacune de réussir, plutôt que d’imaginer des « moments exceptionnels » ?

Une rentrée au pas

Ménageant ses effets, notre ministre a choisi d’annoncer son projet le 21 juin… fête de la musique oblige. Mais il prend soin de préciser que l’institution pourra s’adresser aux parents d’élèves, au milieu associatif, au collectivités locales et au ministère de la culture pour « anticiper ce moment exceptionnel » ! Symptomatique d’une haute administration déconnectée des réalités du terrain, cette « anticipation » du 21 juin pourrait faire sourire… s’il ne fallait pas la mettre en application.

Spécialisé dans les mesures de derniers moments à appliquer le sur le champ, notre ministre n’a apparemment pas conscience du fonctionnement des établissements à cette période : quand les enseignant-e-s et les chefs d’établissements sont pris par les surveillances et corrections d’examens dans le secondaires, que les élèves sont de plus en plus rares dans les collèges ou totalement absents dans les lycées fermés pour le bac, que les personnels n’ont plus que quelques jours avant d’être en vacances… il faudrait donc se mettre en en quête d’associations, de parents d’élèves ou d’institutions culturelles disponibles le 4 septembre pour cette aubade aux nouveaux élèves !

Ces millions de fonctionnaires et précaires (20 % du personnels de l’éducation nationale) sont donc priés de se mettre En Marche pour satisfaire au bon plaisir de notre ministre.

La Musique va-t-elle sauver l’école ?

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Extrait de la littérature rectorale du 26 juin 2017 à Strasbourg

Consciente de ces difficultés, voir même peut-être du côté ridicule de cette exigence ministérielle, notre rectrice, Sophie Béjean, ne ménage pas ses efforts dans sa circulaire du 26 juin. Précisant naturellement que même des initiatives « modestes » seront légitimes pour décliner cette idée géniale, on imagine bien que le plus important sera de comptabiliser un maximum d’événements à faire remonter au ministère pour démontrer la bonne application de cette décision. Charge ensuite aux managers (directeurs, principaux, proviseurs) de se débrouiller pour trouver un truc... et/ou mettre la pression sur les profs.

Bien sûr, il faut aussi justifier de l’intérêt de cette mesure ponctuelle auprès d’un corps enseignant las de devoir sans cesse appliquer de nouveaux dispositifs au gré des réformes, avant d’en changer à la réforme suivante (IDD, oral d’histoire des arts au brevet, EPI…). Aussi notre rectrice argumente solidement sur les bienfaits de la musique sur le cerveau, le comportement ou sa contribution au socle commun de connaissances e compétences et de culture. Nous ne pouvons que nous réjouir de la reconnaissance des bienfaits d’un enseignement artistique… dont la place dans le cursus scolaire est particulièrement marginal. Mais de là à considérer que ces quelques minutes de musiques en début d’année permette « d’installer la notion du plaisir d’apprendre à l’école », ça paraît une démonstration quelque peu forcée... mais qui s’inscrit pleinement dans le cadre de l’intrusion des neurosciences dans la pédagogie scolaire pour lesquelles réussir ne serait qu’une question de comportement voire de « méthode », sans aucune remise en cause des inégalités sociales et scolaires [1]

Pourquoi ne pas donner une place plus importante à la musique (et aux arts plastiques) en y consacrant plus d’heures et en l’enseignant jusqu’au bac pour tous les élèves ?

A oui, c’est vrai, n’oublions pas que le dogme actuel de l’éducation nationale (et de toute la fonction publique) c’est que la réussite des élèves ne nécessite aucun moyen supplémentaire. Raison de plus pour insister à chaque occasion sur l’utilisation des moyens bénévoles ou privés, comme ces associations dont l’engagement philanthropique est sensé combler les manques du service public.



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