Loi Carle : 400 millions d’euros pour le privé, et une attaque frontale contre le service public d’éducation

mardi 9 février 2010
par  sudeducationalsace
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La « loi Carle » votée par le Parlement, validée par le Conseil Constitutionnel crée pour les communes une obligation de financement des élèves scolarisés dans le privé en dehors de la commune de résidence aux conditions suivantes :

« Cette contribution revêt le caractère d’une dépense obligatoire lorsque la commune de résidence ou, dans des conditions fixées par décret, le regroupement pédagogique intercommunal auquel elle participe ne dispose pas des capacités d’accueil nécessaires à la scolarisation de l’élève concerné dans son école publique, ou lorsque la fréquentation par celui-ci d’une école située sur le territoire d’une autre commune que celle où il est réputé résider trouve son origine dans des contraintes liées :

  1. aux obligations professionnelles des parents, lorsqu’ils résident dans une commune qui n’assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants ou si la commune n’a pas organisé un service d’assistantes maternelles agréées ;
  2. à l’inscription d’un frère ou d’une sœur dans un établissement scolaire de la même commune ;
  3. à des raisons médicales. » (Art. L. 442-5-1).

En adoptant au Parlement la loi Carle, le 28 septembre 2009, la majorité [1] met sur le même plan l’École publique laïque ouverte à tous et les écoles privées qui sélectionnent à leur guise. Le pouvoir en place sert des intérêts privés — bien souvent religieux : plus de 90 % des écoles privées sont catholiques.

La revendication de parité des droits de l’enseignement privé est reconnue

En validant la loi, le Conseil constitutionnel apporte sa contribution à la remise en cause de la laïcité. Il valide, institue pour la première fois l’existence d’une parité entre les écoles privées et l’École publique. Pour les responsables de l’enseignement catholique qui s’en satisfont « c’est un bon compromis politique à l’instant T ».

Subventionné à égalité avec le service public pour tout ce qui est le fonctionnement, l’école privée prétend être traitée en tout à « égalité », sauf pour ce qui est des contraintes. La loi Carle vient se substituer à celle du 13 août 2004, dont les dispositions sur le même sujet — son article 89 — étaient régulièrement invalidées devant les tribunaux : elle aggrave la situation existante. Les écoles privées récolteront davantage de fonds publics pour soigner leur attractivité ; les écoles publiques continueront à gérer la pénurie et les conséquences de la ségrégation sociale. Le système à deux vitesses s’aggrave dans l’éducation.

Pourtant l’enseignement privé conserve une asymétrie des devoirs

L’enseignement privé, non assujetti à l’obligation de scolarisation des enfants de son secteur, accueille une population, par sa composition sociologique, très différente de celle de l’école publique [2]. L’école privée n’existe que dans la mesure où elle est l’instrument de l’inégalité scolaire et où elle ouvre une brèche dans le principe de laïcité qui garantit une indépendance de l’école à l’égard des groupes de pression religieux et autres.

Du nomadisme scolaire au chèque éducation

Le législateur a certes introduit des conditions restrictives pour l’octroi du financement des établissements scolaires privés, mais personne n’est dupe. Ainsi, le député UMP Pierre Cardo déclarait : « il n’est pas compliqué d’obtenir un certificat médical… Au final, cette loi n’arrange rien, nos écoles publiques vont continuer à se vider au profit d’établissements privés plus réputés. » Pour l’École publique les inconvénients deviennent majeurs :
- les prévisions d’effectifs ne seront plus fiables ;
- les petites structures vont être fragilisées ;
- le principe d’un chèque éducation se met en place petit à petit.

Aujourd’hui, la municipalité de Cahors, le Conseil Général de Loire Atlantique ouvrent des pistes. [3]

Sud éducation :
- dénonce l’amalgame entretenu par la puissance publique entre l’école privée et l’Ecole publique et laïque et demande à tous, enseignants, usagers, élus, de combattre cette idée ;


- dénonce le financement public des écoles privées. Loin d’avoir une mission de service public, l’enseignement privé a bel et bien une « mission » de destruction de l’école publique laïque ;


- estime qu’il ne doit y avoir qu’une école pour tous, et que l’enseignement privé doit être nationalisé.

 

  % de boursiers dans le second degré % d’enfants de cadres et de chefs d’entreprises % d’enfants de chômeurs et d’ouvriers employés
Enseignement privé 11,7 30,5 23,8
Enseignement public 26,7 19 39,3

 

[1] Au Sénat, en décembre 2008 lors du premier examen du projet de Loi, les parlementaires du groupe socialiste ont voté pour le texte. S’avisant peut être de leur erreur en septembre les députés socialistes ont combattu le projet et ont voté avec les autres parlementaires de gauche contre.

[2] Eddy Khaldi cite dans son livre Main basse sur l’école publique (éd. Démopolis) à la page 66 des données statistiques de 2007 émanant du ministère de l’Éducation nationale (ci-dessus)

[3] Selon la revue L’Émancipation Syndicale et Pédagogique du 4 décembre 2009, le conseil Général de Loire Atlantique ne reversera pas les subventions d’investissement aux collèges privés. La municipalité de Cahors quant à elle ne verse plus un centime aux écoles maternelles privées, elle a même décidé de verser la somme correspondante aux écoles publiques. Ces élus, fidèles aux principes qu’ils défendent, respectent la loi puisque ces dépenses sont facultatives. En effet, les collectivités territoriales ne sont pas tenues de verser de subventions aux écoles préélémentaires privées ou des subventions d’investissement aux collèges et lycées privés.


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