Le service public perd le sens de l’orientation

vendredi 16 mars 2007
par  sudeducationalsace
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Derrière les effets d’annonce du gouvernement, les inégalités d’accès aux services d’orientation scolaire ne font que s’accroître. Les appels du président de la République et du gouvernement à mettre en place un grand service de l’orientation masquent la réalité du terrain : pour les élèves et les étudiants, l’accès à l’information et au conseil en orientation est de plus en plus difficile. Le service public d’orientation existant à ce jour subit le poids des restrictions budgétaires liés aux choix politiques actuels. Moins de moyens matériels, moins de moyens humains, des missions dénaturées : les Centres d’Information et d’Orientation (CIO), l’ONISEP, les personnels qui y travaillent (notamment les COP, Conseillers d’Orientation Psychologues) ne sont plus en mesure de répondre aux attentes des élèves et de leurs familles.

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La confusion savamment entretenue entre orientation scolaire et échec scolaire, entre orientation scolaire et insertion sociale permet au gouvernement d’accabler et d’affaiblir graduellement le service public d’orientation existant, au lieu de le renforcer. En dehors des officines privées qui y trouvent l’occasion d’une montée en puissance, les conséquences désastreuses de la politique actuelle en matière d’orientation scolaire seront subies par tous.

Renforçons le service public d’orientation dans le service public d’éducation

En réduisant la problématique de l’orientation à des problèmes d’information (multiplication des sites Internet, forums, salons des métiers...), en faisant l’amalgame entre les difficultés d’insertion socio-professionnelle, bien réelles, des jeunes et des problèmes d’orientation scolaire, en décriant les services existants tout en les étouffant, en présentant l’orientation scolaire comme le maillon faible de l’éducation nationale, la stratégie gouvernementale est claire : c’est la disparition programmée des services d’orientation, des COP et de leurs missions actuelles.

Pour Sud éducation, l’orientation scolaire ne doit pas être intégrée aux maisons de l’Emploi ni devenir une annexe de la psychologie scolaire. Ni psychologue réduit à de la remédiation scolaire, ni orienteur chargé de faire du placement professionnel, les COP avec leurs missions actuelles ont toute leur place dans le service public d’éducation. Gages d’un système éducatif démocrati-que que chacun peut s’approprier, l’ONISEP, les CIO et les personnels qui y travaillent, doivent être préservés et même renforcés.

Sud éducation revendique

Pour l’ONISEP

Des moyens de fonctionnement conséquents, assurés exclusivement par l’Education nationale, qui garantissent l’indépendance de son activité et une diffusion systématique de ses productions (via un office central doté d’une rédaction autonome et des délégations régionales avec des points de diffusion accessibles).

Pour les CIO

- Maintien de la place et du statut des CIO (relevant du ministère de l’Education nationale et indépendant des établissements scolaires).
- Maintien d’un réseau de CIO sur tout le territoire (au moins les 560 existants).
- Gestion uniforme des moyens de fonctionnement assurée par l’Education nationale.
- Des moyens de fonctionnement et des locaux décents permettant l’accueil du public dans les meil-leures conditions.
- Des personnels administratifs, titulaires de l’éducation nationale, en nombre suffisant.
- Des documentalistes à la hauteur des besoins : au minimum un poste à temps plein, quelque soit la taille du CIO ou de l’antenne.

Pour les COP

- Maintien du statut de fonctionnaire d’état et des missions actu-elles : ni psychologue réduit à de la remédiation scolaire, ni « orienteur » chargé de faire du placement professionnel. Notre cœur de métier, c’est l’information et le conseil individualisé en orientation.
- Des recrutements permettant d’atteindre dans les 5 ans à venir le ratio 1 COP pour 500 élèves du second degré.
- Des recrutements permettant d’intervenir significativement dans l’enseignement supérieur.
- Des conditions de travail adaptées : respect de la maîtrise de l’emploi du temps sur la base de 35 heures hebdomadaires avec le maintien du quart temps, prise en charge des frais de déplacement, dotation en matériel informatique.
- Arrêt du recrutement de personnels précaires et titularisation immédiate et sans condition de ceux déjà employés.
- Création de postes de titulaires réservés réellement aux remplacements.

Commission fédérale Orientation


Disparition programmée du service public d’orientation

- Dégradation des conditions d’accueil et de travail dans les CIO : baisse des budgets de fonctionnement (qu’ils soient gérés par l’Etat ou par les Conseils généraux), regroupement et/ou fermeture de CIO (tel que le CIO spécialisé jeunes handicapés de Paris), suppressions de postes administratifs, baisse des frais de déplacement des personnels.

- COP, un corps à l’abandon : recrutements divisés par cinq depuis 2003 alors que 300 départs annuels à la retraite sont attendus à l’avenir (la moitié de la profession ayant plus de 50 ans).

- L’ONISEP en voie de privatisation : l’Office National d’Information sur les Enseignements et les Professions multiplie les partenariats, que ce soit pour ses publications ou pour des manifestations diverses, avec les fédérations patronales et avec des officines du secteur privé.


Entretien d’orientation en 3e, la recette miracle du gouvernement

Dernière trouvaille du ministère : on apprend par le BO n°47 du 21/12/06 que chaque élève de 3e bénéficiera d’un “entretien d’orientation” systématique qui sera “conduit par le professeur principal en associant le cas échéant, selon une répartition qui sera jugée appropriée, les conseillers d’orientation psychologues et les autres membres de l’équipe éducative [...] Les autorités académiques apporteront aux acteurs du dispositif l’appui nécessaire pour permettre en particulier aux professeurs principaux de s’approprier une démarche d’entretien d’orientation.” Des séances d’information seront organisées au niveau du bassin ou du district pour mobiliser les acteurs sur ce dispositif, “avec l’appui des directeurs de CIO et le concours de partenaires extérieurs au système éducatif (en particulier des représentants des chambres consulaires, de CFA et de la Région au titre de la formation professionnelle).”

Pour Sud éducation, cette nouvelle disposition est à dénoncer pour au moins trois raisons :

- Le travail en collaboration avec l’équipe éducative, qu’assument déjà les COP en collège, est complètement nié. Encore une fois, le gouvernement oublie l’existence du service public d’orientation. Mais il est vrai qu’au rythme des restrictions budgétaires, celui-ci n’existera effectivement bientôt plus.

- Dans une période de remise en cause du temps de service et des conditions de travail des enseignants du second degré, cet entretien fera porter une charge de travail supplémentaire significative pour les professeurs qui en auront la charge. Assurer cette tâche nécessite du temps, de la disponibilité et, surtout, une formation rigoureuse et continue (connaissance de l’adolescent, du système éducatif, des métiers et du monde du travail, des techniques d’entretien proprement dites, etc.).

- Le rôle joué par les professeurs, et en particulier les professeurs principaux, dans le processus d’orientation des élèves du collège n’est pas à remettre en question ; mais ils sont moins à même d’apporter une information et un conseil objectifs à des élèves dont ils ont par ailleurs la charge au quotidien dans une relation pédagogique. Cette multiplication des fonctions et des rôles est incompatible avec le positionnement et le statut nécessaires pour mener des entretiens d’orientation dignes de ce nom.


Orientation active à l’université, un cautère sur une jambe de bois

Si les rapports et autres missions interministérielles sur l’orientation qui se succèdent restent souvent sans effet visible immédiat, le gouvernement a d’ores et déjà retenu une proposition du délégué interministériel Pierre Lunel. C’est ainsi que le dispositif “orientation active” sera mis en place, dès cette année dans certaines universités. Si l’objectif affiché est louable -“diminuer les orientations à l’université peu préparées ou par défaut”- la solution proposée [1] est loin de répondre à la problématique énoncée. Comme pour les entretiens d’orientation 3e, la même logique est à l’œuvre : un service public d’orientation nié alors qu’on aurait pu choisir de le renforcer pour répondre aux attentes des étudiants ; une surcharge de travail pour les personnels des universités tant enseignants qu’administratifs ; des jeunes qui y perdront (procédures supplémentaires, calendrier avancé, période d’inscription resserrée, accès de plein droit brouillé à l’enseignement supérieur...). Et, surtout, un certain nombre de questions restent sans réponse :

- Quelles solutions pour les bacheliers professionnels qui souhaitent poursuivre des études supérieures, et pour les bacheliers technologiques qui ne sont pas admis en STS ou en IUT ?

- Quelles portes de sortie honorables pour des étudiants qui ont tenté sans succès des études universitaires sélectives, médecine par exemple, ou qui ont souhaité tester leurs possibilités de réussite dans telle ou telle discipline ?

- à quand une réelle revalorisation des salaires et des conditions de travail dans les secteurs des services aux personnes, du bâtiment, de l’hôtellerie-restauration, etc. ?

 

Texte extrait du Journal de mars 2007 de la Fédération des syndicats Sud education (envoi gratuit d'un exemplaire sur demande).


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