Les inspecteurs du travail refusent de se laisser instrumentaliser pour la chasse aux sans papiers

samedi 20 octobre 2007
par  sudeducationalsace
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Le Conseil d’Etat doit prochainement statuer sur un recours important, introduit par quatre syndicats représentant les personnels de l’inspection du travail (la CGT-ministère du travail, la CFDT, le SNU-TEF (ex-CFDT ANPE) et SUD travail soit environ 90 % des inspecteurs du travail). Leur recours, déposé le 25 juillet 2007, vise à l’annulation du décret d’attribution qui définit les compétences du fameux ministère de l’immigration et de l’identité nationale occupé par Brice Hortefeux.

Ce décret, qui date du 31 mai 2007, autorise ce ministère à prendre les inspecteurs du travail sous son autorité dès lors qu’il s’agit de combattre « le travail illégal des étrangers ». Or, non seulement les inspecteurs du travail ne souhaitent pas se voir utilisés pour faire la chasse aux immigrés sans papiers, mais surtout, ce terme de « travail illégal des étrangers » n’existe pas dans le droit français... il constitue un curieux un mélange entre différents concepts et révèle très clairement la visée purement discriminatoire de ce gouvernement.

En termes de droit - Code du travail et Code pénal - il existe bien une notion de travail illégal, aussi appelée « travail dissimulé » ou « travail au noir », en langage courant. Mais cette notion n’a strictement rien à voir avec la nationalité des intéressés : le « travail dissimulé » peut être le fait - ce qui est d’ailleurs majoritairement le cas, en pratique - de salariés français. De quoi s’agit-il ? D’une activité salariée, ou encore d’une fraction du temps de travail des intéressés, que l’employeur ne déclare pas aux organismes sociaux : Caisses de Sécurité sociale, URSSAF... Cela peut, en premier lieu, arranger l’employeur qui se voit exempt non seulement de cotisations sociales, mais aussi de responsabilités juridiques, et se borne à verser le salaire (sans « charges » sociales) à la personne qui travaille pour son compte. Sous certaines circonstances, des travailleurs, adoptant une vue à court terme, peuvent croire y trouver leur compte. Cette pratique est totalement déconnectée de la nationalité ou de l’origine des travailleurs concernés.

Par contre, la plupart des travailleurs, en situation administrative irrégulière en France - qui sont donc sans papiers - poursuivent une activité salariée qui est, la plupart du temps, « déclarée ». En fait, la majorité des sans papiers travaillent tout en versant des cotisations sociales, payant très souvent des impôts, etc. Ceci parce que, si l’Etat s’est promis de faire la chasse aux sans papiers, il ne refuse que très rarement d’encaisser leurs impôts... Soit les employeurs ferment volontairement les yeux sur l’absence de situation administrative régulière des intéressés, puisqu’ils ont besoin d’une personne pour un travail déterminé, soit les sans papiers travaillent avec la carte d’identité d’un frère, cousin ou voisin. L’intérêt des employeurs n’est pas tant dans l’absence de déclaration du travail effectué, que dans le fait que les sans papiers acceptent beaucoup plus volontiers un emploi et des conditions de travail que la plupart des salariés (français ou encore étrangers en situation régulière) refuseraient.

Enfin, le fait d’employer un travailleur étrangers sans papiers constitue, dans l’état actuel des lois un délit. Ce n’est pas le travailleur qui commet ce délit, dans les termes du Code pénal, mais uniquement l’employeur.

Ainsi la catégorie spécifique du « travail illégal des étrangers » n’a pas d’existence juridique. Le fait de l’avoir inventée de toutes pièces démontre bien la vision discriminatoire, et la volonté d’étendre toujours plus la chasse aux sans papiers, du gouvernement.

A cela, il faut opposer une solidarité qui refuse la mise en concurrence des travailleurs de différentes origines, qui revendique l’égalité des droits et la régularisation (globale) des sans papiers. Ces derniers sont bien souvent des personnes qui ont fui leurs pays d’origine en raison de conditions de vie indécentes ou inhumaines, sur fond de pillage néocolonial .

Les inspecteurs du travail et leurs syndicats refusent de participer à cette chasse aux sans papiers, dans laquelle le gouvernement souhaiterait les enrôler, d’autant plus qu’il rêve de les instrumentaliser pour (littéralement) ouvrir la porte à la police. En effet, en raison de ses tâches - consistant à veiller à la bonne application des règles législatives, réglementaires et conventionnelles qui régissent les rapports de travail -, l’inspection du travail est autorisée à pénétrer à tout moment dans une usine, un bureau ou sur un chantier. Pour que l’employeur ne puisse pas faire obstacle à son enquête, l’inspecteur du travail ne nécessite ni une autorisation préalable du patron ni un ordre de perquisition émanant du pouvoir judiciaire. Ce n’est pas le cas de la police, qui ne peut agir que sur commission rogatoire d’un juge d’instruction ou procureur si elle souhaite pénétrer des lieux privés. Le gouvernement aimerait trop mettre à son profit, les pouvoirs d’enquête dont dispose l’inspection du travail... afin d’augmenter la pression quotidienne sur les immigrés. C’est oublier que l’inspection du travail, au contraire, a un rôle de protection des travailleurs, quelle que soit leur origine ou nationalité, contre l’arbitraire patronal et contre la sur-exploitation.

L’opposition des inspecteurs du travail avec leurs syndicats aux plans du gouvernement est courageuse, et mérite d’être soutenue par l’ensemble du mouvement social de ce pays.

Article extrait du site de Informations Syndicales Antifascistes : 

http://isa.isa-geek.net/article.php3?id_article=134


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