Contrats d’objectifs pour les établissements : La LOLF dans la bergerie

jeudi 8 janvier 2009
par  sudeducationalsace
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L'académie d'Orléans-Tours, toujours prompte à mettre le petit doigt sur la couture du pantalon, a passé avec ses collèges un contrat d'objectifs. Il s'agit de la mise en œuvre d'une circulaire de 2005 (voir ici le paragraphe concerné et là l'intégrale) qui s'appliquera à terme à tous les EPLE, c'est à dire tous les collèges et lycées. Toutes les académies y viennent ou y viendront.

 C'est la nouvelle gestion administrative telle que la veut la LOLF : contrat d'objectifs, budget pour le remplir, évaluation, et rétorsion si on n'atteint pas les dits objectifs. Ça s'appelle l'évaluation des politiques publiques. C'est simple, et c'est complètement foireux, comme nous l'allons voir.

 Le contrat proposé à tous les collèges de l'académie vise à lutter contre l'échec scolaire, amener un maximum d'élèves aux études longues, veiller à la discipline : que du beau avec quoi on ne peut qu'être d'accord. (À croire cependant que nous ne nous en préoccupions pas jusqu'alors...)
 Les objectifs sont fixés à chaque établissement en fonction de son passé et de son secteur de recrutement.
 Et pour atteindre ces objectifs, l'établissement reçoit des heures d'enseignement et des crédits pédagogiques.
 Oui, mais le problème, c'est l'évaluation.

Indicateurs téléphonés

 Pour juger de la réussite, on a des indicateurs, et les élaborer a dû demander trois grandes minutes entières de réflexion à un gonze dans le bus (un fortiche qui arrive à se gratter le fond de la narine en même temps), ou bien a mobilisé une commission pendant deux mois...

 Afin de vérifier qu'on a "amélioré la maîtrise des compétences par les élèves rencontrant des difficultés", on vérifiera qu'on "améliore le taux de réussite au Brevet" et qu'on "maintient le taux d'accès de la 6e à la 3e au-dessus du taux attendu" (= limiter le redoublement, les départs en SEGPA, les orientations hors collège). Je suis dans un petit collège où la réussite au Brevet passe en un an de 80% à 50%, et vice versa. Équipe stable, pratiques stables, taux variables : et si une cohorte de cent élèves n'avait pas de stabilité statistique ?
 Concernant "la progression des poursuites d'études en seconde générale et technologique", l'indicateur retenu est "l'augmentation du taux de passage en seconde GT" ou au moins son maintien au niveau "attendu". Première remarque : l'indicateur est identique à l'objectif – grande misère des technocrates qui peinent à quantifier le facteur humain. Deuxième remarque : voir ci-dessus – notre cohorte qui a foiré le Brevet est allée au Lycée Pro' – hou, c'est mal – et l'année suivante, bingo pour la seconde G, nous sommes redevenus bons.
 Quant au "développement de l'esprit citoyen", du "respect de l'autre" et de "l'appropriation de la règle" : "réduction du nombre de notes de vie scolaire négatives" et baisse du " nombre de conseils de discipline". Quid de cet établissement bien sous tous rapports où une douzaine d'élèves s'entre-vendaient du shit, et qui a tenu douze conseils de discipline ? Pas d'autres incidents, mais un indicateur complètement merdé...

 Que se passera-t-il pour l'établissement qui n'atteindra pas l'objectif ? Selon la loi du genre, il devrait voir baisser sa dotation (heures d'enseignement et crédits pédagogiques). Bref, on l'enfoncerait...
 Autre question amusante : que se passera-t-il dans les établissements (rares, je vous rassure !), où en juin le Conseil d'administration n'a pas donné son accord au chef d'établissement pour signer ce contrat d'objectifs ? Rien : on fera comme si. Ledit chef a reçu à la rentrée les tableaux à remplir selon les indicateurs sus-cités. Rappelons que légalement il est pourtant chargé d'exécuter les décisions du Conseil – mais ça, c'est du foutage de gueule.

 Remarquons au passage (hi hi) que les objectifs correspondent à des économies budgétaires : le coût d'une année supplémentaire par redoublant est régulièrement rappelé, et le lycée général revient bien moins cher que le LP.

 Il est à noter que tous ces indicateurs peuvent être du ressort du seul chef d'établissement : c'est à lui qu'il appartient de mettre la note de vie scolaire in fine ; il a la décision finale pour les passages en classe supérieure et le pouvoir d'orientation par delà le conseil de classe (sauf commission d'appel, mais elles travaillent avec zèle à l'augmentation des taux de passage) ; c'est lui seul qui décide de tenir un conseil de discipline. La seule zone d'intervention qui lui échappe est le Brevet (encore que sa note de vie scolaire y pèse).
 Ce même chef d'établissement est déjà noté sur les mêmes critères, qui sont les attentes de son recteur.

 De là à imaginer que les principaux et proviseurs vont faire du chiffre pour soigner leur carrière et leurs primes, il y a un pas que je franchis d'un bond léger. Car ce même système s'applique avec la même intelligence dans toute l'administration. Et c'est ainsi que l'on juge de l'efficacité de la police au nombre de gardes à vue, qui ont fait un bond de 50% en deux ans. Et grâce à cette évaluation de la politique publique, on a vu une très nette augmentation de l'abus de pouvoir dans la police et la justice.
 On a les progrès qu'on peut...

BB 
 
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http://www.le-mammouth-dechaine.fr


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